En grinçant des dents une énième fois, Jordanne était loin de se douter que ce farfelu de directeur allait se pointer en personne devant le portail pour cette chasse au trésor qu'il avait lui-même mis en route.

Quelle idée de faire perdre du temps à des gens qui avaient besoin de voir leur famille, vraiment ! À la seule idée de retarder son voyage vers les siens, la jeune Ignis grimaça. Elle voulait voir Arthur et ses parents, avait grand besoin de leurs contacts, surtout dans le trouble où Douglas l'avait plongée ces derniers temps.

Mais ce n'était pas le moment de divaguer, elle avait une énigme à clore. Avisant Liam Fletcher avec un coffre pourri, elle comprit que c'était loin d'être terminé... Hélas...

Aller, un peu de nerfs ! Plus vite les énigmes seront résolues, plus vite Ifrit et elle-même pourraient se mettre en route pour Narthan !

- Ouvrir un coffre sans la clé... Il en a de bonnes lui !

Il venait de partir à l'instant et la jeune fille le suivait des yeux, le foudroyant discrètement du regard. Voyant Jillah à côté qui regardait dans la même direction mais sans hargne, Jordanne fit contre mauvaise fortune bon coeur.

- Si tu as une idée, dis la vite avant que je ne pète ce coffre !

Brute de décoffrage, la jeune Ignis ne souhaitait pas perdre plus de temps que nécessaire.

Jillah suivait Jordanne en regardant autour d'elle, admirant l'agencement des lieux, l'architecture et tout ce qui faisait l'académie et qu'elle redécouvrait au calme. Elle fut étonnée de voir le directeur en chair et en os près du portail, qui les attendait pour leur tendre un coffre sans serrure et dans un piteux état. Pour la suite, elles devraient donc trouver comment l'ouvrir.

La jeune dragonnière leva les yeux vers le directeur et lui offrit un sourire poli avant de le saluer d'un signe de tête comme il tournait les talons pour les planter là. Bon et bien, elles n'en avaient pas terminé avec les excentricités de leur étrange directeur. Il avait l'air tout à fait charmant au demeurant mais la jeune fille était bien plus préoccupée par l'énigme du coffre que par le charme de Monsieur Fletcher.

Elle le regarda partir sans cesser de réfléchir, puis reporta son attention sur Jordanne. Sa réflexion la fit pouffer de rire alors qu'elle regardait le coffre pour voir de près à quoi il ressemblait. Il ne présentait, évidemment, aucune ouverture apparente. Retrouvant son sérieux et faisant preuve d'un calme à toute épreuve, la Princesse fit le tour du coffre pour l'examiner sous toutes les coutures avant de se poster à nouveau près de sa partenaire:

-Peut-être qu'il faut faire apparaître la serrure? Le directeur a aussi parlé de nos dragons. Je ne sais pas s'il veut dire qu'il faut qu'on aille les chercher ou qu'ouvrir ce coffre a un lien avec eux, un peu comme la devise de l'academie "Semper fidelis"

Jillah était en pleine réflexion, une main sur la hanche en tapotant ses lèvres d'un doigt de l'autre main.

La réflexion était loin d'être le fort de Jordanne, qui fit tout de même un effort pour ne pas prendre le coffre et le balancer tout de suite par terre pour le piétiner avec fureur. Fletcher se trouvait drôle de leur imposer des énigmes aussi moisies mais bon, obligation oblige... Quelle poisse...

Soupirant à fendre l'âme, Jo ramassa le coffre pour l'examiner sous toutes les coutures. Il avait beau être vieux et abimé, il n'en restait pas moins extrêmement solide. Le fait qu'il n'y ait pas de serrure était dérangeant mais ça faisait parti du jeu.

*Ifrit ?*

*Oui, Jo ?*

*Tu peux venir, s'il te plaît ? J'ai besoin de ta force.*

Un puissant bruissement d'aile retentit dans la cour, signe que le dragon de feu s'était envolé pour les rejoindre. Il était grand, rougeoyant telles les flammes de l'enfer, si beau dans le soleil de la matinée. Jordanne ne se lassait jamais de l'observer, ses écailles rouges luisantes de santé, ses ailes immenses et royales déployées pour se poser en douceur auprès de la jeune étudiante Ignis.

- Jillah, je te présente Ifrit, mon allié dragon. Ifrit, Jillah le Derrien, une étudiante Terra.

Un feulement, une inclinaison de la tête, Ifrit ne parlait jamais à personne d'autre qu'à Jordanne, il n'en restait pas moins poli et savait saluer sans jamais élever la voix.

- Tiens. Ce coffre nous pose problème, il n'a pas de serrure et on doit l'ouvrir. Sauf si tu as une autre solution, un coup de patte ne devrait pas poser de problème je pense.

Comme d'habitude, Jordanne n'était pas l'Einstein de la réflexion. En gros : cogner d'abord, réfléchir ensuite...

Le bruissement d'ailes caractéristique fit lever les yeux de Jillah qui plaça sa main en visière au-dessus de ses yeux pour voir le majestueux dragon de sa compagne voler jusqu'à elle avant d'atterrir aux côtés de sa dragonnière. La jeune fille leva les yeux et le regarda de bas en haut et de haut en bas. Ce dragon de feu était magnifique et impressionnant! Et puis, il volait.

Salaun n'en avait malheureusement pas encore la capacité, mais Jillah ne désespérait pas que cela arrive un jour. Un sourire illumina son visage quand le dragon rouge la salua:

-Enchantée Ifrit.

La jeune étudiante Terra sourit à Jordanne et se concentra pour appeler Salaun à son tour. Celui-ci devait être en pleine méditation et elle répugnait un peu à le faire venir pour si peu, mais ce genre d'énigme ne devait pas être trop difficile pour lui.

Salaun, j'aurai besoin de tes lumières. Tu peux me rejoindre?

Sans attendre de réponse, Jillah baissa les yeux sur le coffre que tenait sa camarade et continuait de réfléchir à une solution. Un coup de patte serait sans doute trop simple mais cela ne coûtait rien d'essayer.

Salaun arriva au galop quelques minutes plus tard et s'arrêta près de sa dragonnière, il avait la taille d'un bon cheval et des pattes puissantes dont la peau granuleuse lui permettait d'accrocher la Terre sans crainte de glisser.

-Ifrit, Jordanne, je vous présente Salaun. Salaun, je te présente Jordanne qui tient le fameux coffre.

Il courba la tête devant son congénère de feu et tourna ses yeux oranges et mobiles vers Jordanne, l'observant avec curiosité avant de la saluer à son tour. Jillah posa sa main sur son cou et le caressa doucement.

Puis, le jeune dragon s'approcha de l'étudiante Ignis et regarda le coffre qu'elle tenait avant de se reculer pour s'assoir sur son séant:

-A quoi avez-vous pensé pour l'ouvrir?

Jillah jeta un coup d’œil à Jordanne avant de répondre:

-Et bien...à faire apparaître une serrure ou à taper sur le coffre.

-Et pourquoi ne pas faire un peu des deux? Si Ifrit veut bien s'associer à moi pour ce petit tour de force, il a le feu pour forger et j'ai le bois pour le transformer.

La jeune fille croisa les bras sur sa poitrine et se déhancha légèrement, signe qu'elle réfléchissait puissamment:

-On peut toujours essayer, si Jordanne et Ifrit sont d'accord.

Jordanne avisait le petit dragon de terre qui était venu les rejoindre. Elle n'était pas du genre à se moquer mais là, si on comparait Salaun et Ifrit, on se poserait certaines questions concernant leur existence... Comment un dragon qui aurait dû atteindre sa taille maximale avant d'entre à Lindorm pouvait être aussi petit ?

Enfin, elle n'était pas là pour juger qui que ce soit, d'autant plus qu'Ifrit lui fila un petit coup d'aile derrière la tête en prenant un air innocent. Jo le foudroya du regard avant de poser le coffre de nouveau sur le sol.

- Comme vous voulez. Moi je pensais plus simple de le casser mais bon, chacun ses méthodes ! Faites nous voir comme vous forgez une serrure.

L'Ignis s'éloigna un peu, préférant se mettre à couvert des étincelles qui allaient certainement se produire. Elle s'était déjà brûlée plus d'une fois au contact de son allié et savait maintenant prendre des précautions.

Les deux dragons se mirent alors à l'oeuvre, usant de leur magie. Ifrit apportait la flamme, Salaun la terre et la maîtrise. Bientôt, la serrure fut incrustée dans le coffre et les dragons créèrent également la clé pour l'ouvrir. Attendant que le métal refroidisse, Jordanne fit un signe de tête vers les deux créatures afin de les remercier silencieusement.

Puis le métal fut froid. Jo prit la clé et la tourna dans la serrure qui résista un peu avant d'ouvrir la partie supérieure du coffre...

L'air chaud de l'extérieur s'engouffra dans le coffre, entrant part chaque micro interstices, libéré de toute entrave. Un râle profond s'échappa de l'intérieur, comme si une créature ancestrale avait été réveillée. Pendant un court instant, une lueur aveuglante s'échappa, puis plus rien. Au fond du coffre, un parchemin vieilli portait une écriture fine, penchée, et enluminée.

Citation :

On vient rarement me rendre visite,
Je suis le chaos incarné,
Et pourtant la connaissance n’est pas loin de moi.

Lorsque le couvercle du coffre se souleva, Jillah pensait juste qu'elles y trouveraient un papier sur lequel serait sans doute écrit une autre énigme. Mais non, le râle et la lueur qui s'échappèrent du coffre ouvert la surprirent tant qu'elle se retrouva sur les fesses, le cœur battant à tout rompre et un bras protégeant ses yeux. Salaun, lui, avait beau avoir été surpris, n'avait pas bougé d'un iota, refusant de montrer sa crainte face à des humains et surtout face à un autre dragon.

Une fois le calme revenu et la surprise passée, la jeune étudiante Terra se redressa dignement en lissant sa robe, puis se pencha à l'intérieur pour récupérer le morceau de papier. Elle le lut à haute voix et leva les yeux vers sa camarade et vers son compagnon à écailles.
Puis, elle leva les yeux au ciel, un bras sous sa poitrine, le coude posé dans sa main et un doigt posé sur sa joue:

-Hummm la connaissance...ça pourrait être la bibliothèque non?...un endroit près de la bibliothèque...tu as une idée Jordanne?

A moins que ce ne soit pas ça du tout, mais les livres étaient une source de connaissance alors ça lui paraissait logique. Après, Jordanne connaissait l'académie bien mieux qu'elle et aurait sans doute plus d'idée quant au lieu où elles devraient se rendre ensuite. Salaun, lui, toujours assis, les regardait calmement, les yeux fermés, en pleine réflexion.

...

Qu'est-ce que c'était sensé être que... Ça ?

Une voix s'était élevée du coffre, comme si un être sans âge venait d'être réveillé par une bande de jeunots farceurs... Jillah en tomba à la renverse, ce qui la fit rire silencieusement, elle ne souhaitait pas vexer la jeune fille. Puis un parchemin vieux comme Érode était à présent en bien en vue de tous. Jillah le parcourut et annonça que le lieu pourrait éventuellement être la bibliothèque, ou une pièce alentours...

Jordanne tenta de se creuser la cervelle mais rien ne venait, si ce n'est le souffle d'Ifrit qui riait lui aussi de la voir si concentrée. Lui lançant un regard noir, elle se détourna, alors que ses épaules tremblaient de rire contenu.

- C'est peut-être ça...

*Ou peut-être pas ! Tu as déjà vu le chaos dans une bibliothèque toi ? Moi je pense à une autre salle, qui se trouve justement à côté de la bibliothèque...*

- La Salle de Classe Vide !

Oui, ça tombait sous le sens ! Cette salle, qui portait très mal son nom, était remplie d'un fouillis indescriptible, où tous les étudiants y entreposaient des objets de toutes sortes. C'était un chaos sans nom.

- Oui, ça correspond bien... Allons-y !

Puis sans attendre Jillah et Salaun, Jordanne sauta sur Ifrit qui l'emmena à l'étage où se trouvait la salle en question. Il la déposa sur le sol et alla se percher à un endroit près de la fenêtre pour rester près de Jo autant que possible.