Physique ♦ Damalia a une apparence assez inoffensive de prime abord. Et sûrement que si elle prenait soin d'elle comme d'autres, elle serait jolie. Mais la vie sur l'océan l'a privé de toute trace de civilité. Son épiderme est doré de par l'exposition quasi permanente au soleil se réverbérant sur l'eau. La peau de ses mains est épaisse et dure comme du vieux cuir à force d'avoir tiré sur des cordes. Ses deux bras sont couverts de tatouages divers : sur son coude droit, un labyrinthe rond qu'on ne peut pas résoudre et la queue d'un dragon bleu s'entortille autour de son bras gauche jusqu'autour de son majeur et s'arrêtant dans son cou. Elle a de longs cheveux noirs qu'elle n'a jamais pris la peine de faire couper et qui s'emmêlent dans son dos, rendus secs et rêches par le sel marin. Sa jambe droite est musclée et robuste et la gauche s'arrête sous le genou, relayé par un mât en bois, sculpté d'écailles de dragon, en souvenir de la bête qui lui a arraché le mollet et à qui elle a fait la peau. Ses yeux sont verts très clairs, un regard assez perturbant pour la plupart, surtout quand elle se met en colère et qu'ils prennent des reflets gris. Une cicatrice barre son front et elle a de nombreuses traces de brûlures anciennes dans le dos et sur le flanc gauche.

Personnalité ♦ Le Capitaine Flint pourrait se scinder en deux personnes bien distinctes même si les deux se rejoignent souvent.
A l'assaut d'un navire marchand, vous verrez apparaître celle qu'on surnomme Bloody, la tueuse de dragons -même si aujourd'hui avec sa jambe de bois, elle évite d'aller trop souvent au front. Sans pitié, sanguinaire, bagarreuse, elle ne fonctionne pas à l'impulsion et au coup de tête comme beaucoup pourrait le penser. Son esprit est obnubilé par la volonté de vengeance et elle en oublie tout sentiment. A part une froide et singulière logique qui répond au commandement "Pas de quartier". Sur le Rouge-Gorge, on ne fait pas de prisonniers. On meurt au combat, ou on meurt en lâche assez stupide pour s'être rendu.
Peu de gens ont eu l'occasion de rencontrer Damalia. Elle garde en elle de profondes blessures qu'elle pense avoir réussi à colmater. Orpheline dès ses 10 ans, elle a dû affronter la vie sur un navire, dans un milieu d'hommes extrêmement violent et se forger une carapace. Elle ne croit pas en l'amour, si ce n'est celui qu'elle a pour l'océan et compte bien finir ses jours sur le pont de son navire, noyée dans les flots déchirants d'une tempête. Elle se considère elle-même comme une légende, comme si elle avait un but supérieur à accomplir. Extrêmement fidèle et dévouée à son équipage, elle en attend de même de leur part. La trahison est selon Damalia le plus grand des parjures et ne mérite que la mort.

Biographie ♦ Dans une taverne sombre d'une île perdue au milieu de l'océan, des années plus tard.
-Paraît que le Rouge-Gorge a coulé ... Tout l'équipage s'rait mort, noyé sous l'océan.
-Ce s'rait pas trop tôt. Leur vieille folle de capitaine m'a pris deux navires en seulement dix ans. Elle a que c'qu'elle mérite.
-Et que savez-vous d'elle ? Messieurs ?
La voix s'élève d'un coin obscure de la taverne crasseuse. Pas un seul client à l'horizon. Seuls les deux hommes attablés, le tavernier derrière son bar et cette voix inquiétante, grave et assurée. Elle relève lentement la tête, laissant apparaître son visage ridé sur lequel tombe quelques mèches de cheveux gris. De nombreuses rides ont creusé sa peau sèche et ses lèvres ne sont plus qu'une vague ligne contournant la forme de sa bouche. Devant elle, une pinte de bière encore remplie à moitié, qu'elle boit des deux mains comme pour se donner la force de porter le verre à ses lèvres.
-Qu'est-ce que tu veux la vieille ? Retourne à ton tricot.
Elle pose le fil qu'elle tenait entre les mains, laissant retomber le morceau de tissu qu'elle finissait de raccommoder dans un panier d'osier tressé. Un sourire apparaît sur son visage décharné alors que ses yeux d'un vert troublant s'illumine.
-Connaissez-vous seulement la véritable histoire du Capitaine Flint ?
-On t'a dit de retourner à ton tricot la grand-mère.
-Ferme là minot. Et écoute plutôt.

Le monde était alors bien différent que celui qu'on connaît aujourd'hui. Les hommes étaient plus libres, la guerre n'avait pas encore ravagée les hommes et les terres. Waterfield était encore une nation florissante, pleine de promesse. On y engageait des hommes par centaine qui tous, partaient par bateau entier, remplis de fierté de servir la cause de leur gouverneur. Mais personne n'aurait pu prédire la mutinerie qui aurait lieu sur le Rouge-Gorge, le bateau le plus rapide de toute la flotte, le plus redouté à des kilomètres et des kilomètres. Leur capitaine a été tué. Le Capitaine Flint. Il laissa derrière lui une veuve, simple pêcheuse, et une fille, âgée de deux ans quand il se fit assassiner. Rongée par l'amertume et par la vengeance, la veuve abandonna son emploi et toutes ses convictions, cherchant à rallier des hommes coûte que coûte, peu importe leur passé ou leurs convictions anarchistes. Son seul dessin était de retrouver le commanditaire de cet acte horrible. Et le seul responsable était celui qui n'avait rien fait pour empêcher ou punir pareille horreur, le gouverneur !

-Tu pars dans tes délires vieille folle ! Tout le monde sait que le Capitaine Flint avait pas de famille, qu'elle est née dans un orphelinat à Narthan et qu'elle s'est échappée à 11 ans !
-Ah ouais t'es sûr ? Dans mon village, on dit qu'elle est née sur un navire, de l'alliance d'une femme et d'un dragon des eaux . Sa mère serait morte pendant la grossesse et elle aurait fini sa gestation dans un coquillage que son père dragon aurait couvé jusqu'à terme.
-Fermez-la les gamins ! Bon, où j'en étais ....

Ah oui voilà ..... le gouverneur. Il ne pouvait y avoir d'autres responsables et sa vengeance était devenue sa seule raison de vivre. Mais la vie de pirate. Car oui ! C'est ce qu'elle était devenue, une pirate, sans foi ni loi autre que celle de la justice bafouée qui avait détruit sa vie. La vie de pirate était bien loin d'une longue et paisible promenade. Les assauts envers les navires marchands des quatre coins du globe ne cessaient de faire feu. Et on craignait dans toutes les nations les attaques du Rouge-Gorge, un navire rapide qu'on disait capable d'apparaître et de disparaître, un navire fantôme, poussé par le vent de la vengeance. Les légendes étaient nombreuses sur la femme pirate. Jusqu'au jour où la tragédie frappa à nouveau. Les vents étaient violents ce jour-là. La mer déchaînée. Un navire appartenant au gouverneur de Waterfield est apparu dans la longue vue du guetteur. Bloody Mary, la veuve noire, avait esquissé un sourire. L'heure de la vengeance avait sonné. L'affrontement avait duré des heures sans qu'aucun ne parvienne à prendre le dessus sur l'autre. Mais le Rouge-Gorge a fini par faire une nouvelle victime. Chaque membre du bateau du gouverneur a été tué puis jeté à la mer. Mais rien n'y faisait, la peine de la Veuve noire ne disparaissait pas. Elle se jeta dans l'océan de désespoir, n'aspirant plus qu'à retrouver son défunt mari au fond des flots pour l'éternité.

-Attends une minute, alors elle laisse l'enfant à une bande de pirates sanguinaires et elle se suicide ? C'est totalement délirant.
La pinte de bière s'écrase contre le bar dans un bruit de verre brisé qui rétablit le silence dans la pièce alors que la vieille se racle la gorge, reprenant à nouveau son récit.

L'enfant était à présent le dernier espoir pour les Flint d'avoir leur vengeance. Les pirates l'ont recueilli et l'ont élevé parmi eux, comme leur frère de sang. Et à 15 ans, elle avait déjà tout du grand capitaine qu'elle deviendrait. Son premier bateau fut renommé le Rouge-Gorge, comme celui de son père, puis de sa mère, tout deux victimes d'une injustice jamais corrigée. Autour d'elle, le monde tombait en ruines. Les forces armées prenaient de plus en plus d'importance, et bientôt les premières guerres éclatèrent. C'était une époque sombre, celle qui annonçaient les temps obscures que nous vivons aujourd'hui. Mais le Capitaine Flint, troisième du nom, n'a jamais abandonné sa quête de justice, écrasant tout navire croisant son chemin sans l'ombre d'un sentiment, ne faisant jamais de prisonnier. Et la légende s'est ainsi construite peu à peu. Chacun craignait l'arrivée du drapeau noir, fendant le brouillard avec autant de facilité que si il avait été poussé par le souffle d'un dragon .... Mais la fortune ne pouvait pas lui sourire pour toujours.

-Et c'est là que tu vas nous parler du moment où elle a soit-disant tué un dragon ? Foutaises, tout le monde sait qu'on peut venir à bout d'eux. Ce serait comme tuer un de ces ancêtres !
La vieille femme se redresse, renversant son siège au passage. Ses yeux verts ont pris une teinte de gris alors qu'elle se retourne vers la table des deux hommes. La capuche de son manteau marron cache en grande partie son visage. Son pas est lent, légèrement boîteux. Dès que sa jambe gauche touche le sol, un bruit de bois sourd emplit la salle à présent silencieuse. La prothèse de bois sculpté s'écrase avec force sur la table, une souplesse et une puissance qu'on aurait pas soupçonné de la part d'une aussi vieille femme.

Et la légende disait vrai. Les bateaux que le Rouge-Gorge avait pillé étaient trop nombreux pour qu'on puisse en dresser la liste exacte. Peut-être avait-elle tranché la gorge d'un de ces dragonniers. Et elle allait l'apprendre à ses dépens. La bête était arrivée à l'aube, soulevant les flots par sa vitesse, sachant exactement où se trouvait sa future proie. Lui aussi, avait besoin de vengeance, de faire justice pour apaiser son âme. Le combat fut rude pour les deux partis. Et ce n'est que par chance et à force d'acharnement qu'elle réussit enfin à lui porter le coup fatal. Son corps gigantesque sombra dans les flots sans fond, le mollet du Capitaine Flint toujours coincé entre ses canines.

-Et qu'est-ce qu'elle ... qu'est-ce que vous êtes devenus ensuite ? Tout le monde pensait que le Rouge-Gorge avait coulé ....
-C'est parce que l'histoire n'a pas encore été contée. Et celle-ci que vous allez entendre à présent ....