Ton premier fils te succédera, il sera la force et la poigne pour gouverner
Ton deuxième fils tu offriras aux Dieux, il liera à jamais son destin à ceux des temples.
Ton troisième fils tu cultiveras, il sera l’érudition et la mémoire de Khi-Shaab
Quant au quatrième, chérie le, car il n’aura d’autre utilité que d’être le quatrième.
Quant aux autres…Précepte d'Hal-Haman~.~.~.~.~.~.~.~.~.~
Les autres, c'est moi ou plutôt nous, Tayeb et Safa.Les cinquièmes, les jumeaux qui naquirent de la passion entre le Sultan de l'ancienne Khi-Saab Hakim III et de sa cinquième femme Aileen, une belle jeune femme Keevi dont Tayeb et Safa ont hérité leurs cheveux roux flamboyants.
Une naissance relativement discrète, bien que fêtée dignement, mais plutôt sobrement par rapport aux quatre premiers fils ... ceux pour lesquels une place chaude avait déjà été réservée. Le peuple avait déjà le successeur, le prêtre, l'intellectuel et l'aimé ... les autres étaient loin d'être indispensables.
Cette différence entre leurs demi-frères et eux, Tayeb ne l'a compris qu'une fois qu'il fut en âge de réfléchir, penser par lui-même et d'analyser ce qu'il se passait autour d'eux. Bien entendu, en tant que fils de sultan, il ne manquait de rien. Il ne s'ennuyait pas non plus accompagné dans tout ce qu'il entreprenait par sa sœur jumelle. Dès leur plus jeune âge, ils développèrent une relation fusionnelle.
Bébé, Tayeb était déjà un peu garçon agité qui ne faisait pas ses nuits et qui braillait à s'en faire éclater les poumons. Il n'y avait que la présence de sa sœur à ses côtés qui l'apaisait et rapidement les nuits de l'enfant furent complètes lorsque l'on prit la décision de le faire dormir dans le berceau de sa jumelle.
Bambin, il était le premier à crapahuter à quatre pattes partout où on le posait explorant avec curiosité son nouvel environnement. Mais ce fut Safa qui marcha la première donnant ainsi l'exemple à son frère pour le plus grand malheur des servantes qui durent bientôt courir dans tout le palais derrière le bambin en couche culotte.
Petit garçon, il ne jouait calmement qu'en compagnie de sa sœur. Enfant très actif, il courrait partout, saisissait la première arme à sa portée pour provoquer en duel le premier enfant qui avait le malheur de croiser son chemin et il n'y avait que Safa qui pouvait l'entraîner dans des jeux plus calmes. Il pouvait lui servir de tête à coiffer une heure consécutive sans qu'il n'émette qu'une ou deux protestations.
Et nombreuses furent les fois où ils retrouvèrent les deux enfants dans le même lit une fois le soleil levé.
Au fur et à mesure qu'ils grandissaient, ils rencontrèrent leurs demi-frères.
Zaim, l'aîné qui aurait la charge de prendre la place de leur père lorsque ce dernier s'éteindrait. Un garçon au fort caractère, qui impressionna Tayeb. Lui qui pourtant faisant déjà tourner en bourrique de nombreux adultes en leur tenant tête, se trouva comme hypnotisé en assistant pour la première fois à un cours de combat du futur sultan. Si on ne l'en avait pas empêché, il se serait mis à trainer en permanence entre les pattes de celui qu'il allait admirer et pour lequel il a encore beaucoup d'estime.
Nour, celui qui chantait et levait les mains vers le ciel pour les dieux. Une activité relativement ennuyeuse pour un garçon avec autant d’énergie que Tayeb qui préférait tirer les cheveux de sa sœur lors de la prière au lieu d’essayer de se concentrer sur cette religion qui n’était pas perceptible par le garçon.
Haris qu’il retrouvait souvent dans la bibliothèque. Même s’il avait appris à lire, Tayeb préférait que son demi-frère ainé ou sa sœur lise à voix haute ou lui raconte des histoires. Il ne tenait jamais bien longtemps en place lorsqu’on lui fourrait un livre entre les mains, il n’y avait que leurs vois qui avaient le pouvoir de le captiver pendant de longues minutes voir même quelques heures.
Ejaz, ce petit agneau aimé de tous sans qu’il n’ait rien eu à faire pour cela. Ce fut certainement la rencontre avec ce frère dont la place était assez floue qui eut un effet de déclic sur l’esprit de Tayeb. Le garçon se rendit compte que lui non plus n’avait pas de place définie, le précepte d'Hal-Haman ne le citait pas, ni lui ni sa sœur. Ejaz non plus n’avait pas vraiment d’activité précise à exercer mais sa place, son rôle à sein de leur famille était bien défini.
Tayeb fut jaloux de ce frère avec lequel il aurait pu se montrer désagréable si sa sœur n’avait pas été là pour le raisonner, pour le grogner lorsqu’il pouvait se montrer un peu rude avec un dernier demi-frère. Et surtout le jeune garçon fut … perdu, parce qu’à l’inverse de ses frères, il n’avait pas de rôle à jouer, ou tout du moins pas de rôle défini.
Il allait devoir tracer son chemin par lui-même et se faire une place au sein de cette famille tout seul.
Assez naturellement, Tayeb trouva sa vocation dans l’armée, après tout beaucoup de garçons aimaient ça, se bagarrer, mettre son adversaire à terre ou s'imaginer mener la charge en s’exerçant en courant après les filles avec une épée en bois pour les effrayer. Les cours de combat restaient indéniablement ceux dans lesquels il s’investissait le plus et dans lesquels il excellait. Fils de sultan, il avait le droit à une bonne éducation, aucun cours ne lui était épargné, mais la religion n'était clairement pas sa tasse de thé et il finissait inexorablement par s'endormir et/ou oublier ce qu'on lui disait durant les autres cours lorsqu'il ne s'agissait pas des exploits militaires de ses ancêtres.
Tayeb était un guerrier dans l'âme et lorsqu'il vit l'intérêt ainsi qu’un bref éclair de fierté dans le regard de son demi-frère aîné à la fin d'un cours de combat, il y puisa sa motivation.
Pour s'améliorer, le garçon actif se mit à nager et à courir pour muscler et renforcer ce corps qui grandissait encore. Il profita du palais, de ses jardins, de ses piscines, mais s'y sentit bientôt à l'étroit.
Adolescent, il demanda à sortir et les voisins du palais purent voir plusieurs fois par semaine le jeune prince quitté le palais tôt le matin avant que la fraicheur ne laisse place à la chaleur encadré par deux gardes armés pour un footing matinal.
Mais l'armée n'était pas un objectif suffisant pour le jeune prince. Oh bien sûr il n'entendait pas devenir un simple soldat, ça n'aurait pas été digne de ses origines, il lui fallait devenir lieutenant puis commandant. Et pourtant malgré cet objectif, Tayeb voyait encore plus grand, il était captivé par le dragon de Zaïm et rapidement une petite voix vient lui souffler à l'oreille qu'il serait d'autant plus reconnu par sa famille s'il devenait le dragonnier de la fratrie. Une place honorifique que certains de leurs ancêtres, des sultans même parfois, avait déjà occupée.
Mais pour devenir dragonnier, il devait rencontrer un dragon, mais pas n'importe lequel ... il devait trouver celui qui allait devenir la moitié de son âme, celui avec lequel il allait pouvoir se lier et passer l'épreuve d'Alliance afin d'intégrer la prestigieuse école militaire de Lindorm.
Il avait quinze ans lorsqu'il se mit à la recherche de son dragon ... et cette quête dura deux années. Deux années durant lesquelles il arpenta leur ancienne nation Khi-saab. Son père, le sultan, avait été convaincu par la motivation de son fils et il l'autorisa donc à quitter le palais pour des escapades de plusieurs jours, qui pouvaient aller jusqu'à plusieurs semaines lorsqu'il s'éloignait vraiment. Le jeune homme était accompagné de deux soldats qui avaient l'entière confiance du sultan, deux dragonniers.
Zaïm et Ejaz avaient tout deux des dragons de feu, alors il débuta ses recherches à proximité des déserts de Narthan, mais il n’y récolta de quelques brûlures dus à certains dragons trop spontanés qui ne supportaient pas d’être dérangé. Alors il revient sur le territoire de leur nation, il longea les cotes mais n’eut pas plus de chances avec les dragons d’eau … pas plus avec les dragons des autres éléments qu’il put croiser à l’intérieur des terres.
Visiblement son caractère un peu bagarreur et impulsif ne convenait pas à ces créatures couvertes d’écailles ou de plumes, aussi grandes qu’une colline ou assez petites pour se faufiler dans un trou de souris. Ce voyage eut tout de même l’avantage de faire voir du pays à l’adolescent qui profita pleinement de cette expérience même si son moral s’assombrissait au fur et à mesure qu’il restait bredouille.
Il lui semblait pourtant qu’il était sur le point de trouver sa place au sein de cette famille qui n’avait pas vraiment besoin de lui pour tourner rond … mais peut-être que sa place ne se trouvait pas non plus au côté d’un dragon.
Mais l’adolescent était têtu et obstiné, alors il fit par s’aventurer sur le territoire de Keven d’où sa mère était originaire et plus précisément dans cette vaste jungle de Jergath qui recouvrait une vaste partie de leur ancienne nation. Sa sœur lui manquait terriblement et il était toujours content de la retrouver entre deux expéditions. Mais l'amour qu'il lui portait n'était pas assez fort pour vaincre la détermination qui l'animait.
Ce fut l'année de ses dix-sept ans qu'il fit la rencontre de celle qui allait occuper une place si importante de sa vie. Sa quête l'avait mené jusqu'à la lisière de la jungle et ça avait été sans appréhension qu'il avait pénétré dans ce milieu qu'il ne connaissait pas. Un dragon de ses gardes avait pu les suivre, son gabarit lui permettant de passer entre les arbres contrairement au second qui devait rester dans les airs.
Il avait récolté diverses cicatrices lors de ses précédentes rencontres avec les dragons lors de ses recherches infructueuses, mais il n'en était pas devenu craintif pour autant. Il était décidé.
Etait-ce cette force de caractère qui attira Wivine ? Ou bien le courage dont il faisait preuve en affrontant ce milieu hostile, lui fils de sultan qui aurait pu s'ébattre dans le luxe à la place ? Ou étaient-ce les arbres qui avaient murmurés quelques secrets à l'oreille de la dragonne ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce fut Wivine, cette dragonne qui avait jusqu'à lors passé toute son existence dans cette jungle dont elle était l'une des protectrices, qui vint aux devants du garçon. Un soir où le garçon s'était éloigné de ses gardes assoupis et que lui ne parvenait pas à s'endormir, il avait rejoint une clairière proche. Et la dragonne s'était simplement présentée devant lui apparaissant à travers cette végétation dans laquelle elle se fondait sans mal, elle avait incliné poliment sa tête devant lui et attendue que Tayeb fasse de même avant de repartir sans un mot aussi silencieusement qu'elle était venu.
Et Tayeb avait su. Il avait su que ce serait elle, il l'avait senti.
Ils étaient restés basé dans un village en lisière de la jungle pendant deux mois, le temps que le jeune homme apprivoise la dragonne qui était bien incapable de quitter ce lieu si cher à ses yeux pour le suivre au palais.
Il avait passé des journées avec elle dans la jungle, à découvrir ce monde qui était le sien, cet étrange pouvoir qu'elle utilisait pour faire perdurer le bon équilibre de l'immense écosystème. Il parlait, beaucoup par rapport à elle. La dragonne était pourtant douée de la parole, mais ne s'exprimait que très peu, alors que le garçon lui posait de nombreuses questions. Elle lui avait appris à respecter le fragile équilibre de la jungle, à se fondre dans la nature, jusqu'à se rendre invisible aux yeux des prédateurs qui rodaient la nuit. Il apprit beaucoup sans se lasser et il aurait certainement passé plus de temps loin du palais si son père ne l'avait pas rappelé.
Le sultan n'était pas au meilleur de sa forme et Tayeb n'eut que quelques semaines pour voir son père, retrouvé sa jumelle et ses demi-frères avant qu'il ne les quitte. Il n'avait alors que dix huit ans et il vit son demi-frère aîné prendre la place de leur père, la place qui était la sienne, ce qui raviva la conviction de Tayeb qui avait mis son objectif de côté depuis qu'il avait rencontré sa dragonne. Alors il quitta le palais peu de temps avec les festivités et alla retrouver Wivine.
Il lui fallut plusieurs mois et une force de conviction des plus tenaces pour convaincre sa dragonne. Il lui parla de cette école, de cet avenir de dragonnier qu'il souhaitait à ses côtés, de cette lutte qu'ils mènerait ensemble ... et il lui promit qu'ils reviendraient.
Ils se préparèrent pour ce qui les attendait et peu après le dix neuvième anniversaire de Tayeb, ils tentèrent l'épreuve de l'Alliance et furent envoyés à Lostrego.
Même si Tayeb avait beaucoup voyagé au cours de ces dernières années, ça n'avait été qu'au sein de l'ancienne Khi-Saab et dans les déserts de Narthan. Il ne connaissait de Lostrego que de vagues souvenirs des cours que leur professeur avait essayé de lui inculquer.
Tayeb et Wivine se retrouvèrent donc complètement ignares sur ce territoire "ennemi". La capacité de la dragonne à "comprendre" avec la flore leur permit de survivre dans ces régions qui leur était inconnues. Ils se tinrent à l'écart des zones où la végétation prospérait difficilement, ils trouvèrent des abris pour la nuit ne dérangeant que des créatures qui leur était facile à impressionner.
La survie ne fut donc pas un véritable problème pour eux et la réelle difficulté, qu'ils eurent à affronter, prit la forme d'un couple d'oiseau-tonnerre qui les attaquèrent l'avant-dernier jour. Tayeb était heureusement en assez bonne condition physique pour se tenir à l'écart des serres acérées des reptiles, les attirant assez près de sa dragonne pour que cette dernière puisse progressivement les épuiser. Wivine répugnait à tuer et Tayeb respecta sa volonté se contentant de blesser les créatures de son arme pour les forcer à battre en retraite au lieu de les achever.
Tous deux furent blessés au cours de cette longue altercation et ils purent mêler leur sang passant ainsi l'épreuve ... avec succès.
Aujourd'hui Tayeb entame sa troisième année d'étude au sein de cette prestigieuse école militaire dont il avait tant rêvé. Il est parvenu à gagner la fierté de sa famille et à trouver cette place qu'il avait si longtemps cherché. Il lui faut à présent réussir avec succès les dernières années qu'il lui reste afin de pouvoir être officiellement appelé dragonnier.
S'il y a une chose qu'il regrette, c'est la séparation avec sa sœur. Même s'ils ont été moins proches l'un de l'autre au cours des dernières années à cause de la quête de Tayeb pour trouver son dragon, c'était avec plaisir qu'il la retrouvait à chaque fois qu'il revenait au palais. Ces retours aux sources sont à présent plus rares et l'absence de sa jumelle laisse un vide en lui qu'il peine à combler.