Ton premier fils te succédera, il sera la force et la poigne pour gouverner
Ton deuxième fils tu offriras aux Dieux, il liera à jamais son destin à ceux des temples.
Ton troisième fils tu cultiveras, il sera l’érudition et la mémoire de Khi-Shaab
Quant au quatrième, chéris-le, car il n’aura d’autre utilité que d’être le quatrième.
Quant aux autres…
Précepte d'Hal-Haman
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Ce précepte, Zaïm l'a entendu toute sa vie. Il y a toujours cru. Il donnait un sens à sa vie ; et légitimait sa position.
Seulement, sa position était d'une certaine manière usurpée, car il n'était pas le premier fils d'Hakim III, mais le second.
Le premier étant un bâtard d'Hakim. Mais cela, il ne l'apprit que bien plus tard.
La naissance de Zaïm, si elle fut célébrée avec le faste qu'il se devait, est encore en ce jour enveloppée de mystères. Seule Yasmine, première épouse du sultan Hakim III,sait exactement ce qu'il en est, mais jamais elle n'a dit quelque chose. Pas question que quoique ce soit vienne compromettre la position de son fils. Fils qu'elle gâta outrageusement durant le temps où il resta avec elle.. Pardonnant tous les excès de cet enfant et en leur trouvant toute sorte de justifications. Ses colères n'étaient que la manifestation de sa vitalité, son côté capricieux la preuve de son caractère affirmé. Et son égoïsme enfantin le signe qu'il avait conscience de sa valeur, lui, le futur sultan. Un bel enfant qui sut très tôt ce qu'il voulait. Et ce qu'il voulait pour les autres.
Il eut d'autres petits frères, tout d'abord Nour, qui se consacrerait à la religion – religion qui ne le passionnait guère mais dont il comprenait la nécessité-, et Haris, qui deviendrait son conseiller et avec lequel il s'entendit tout de suite.
Puis, alors qu'il avait 5 ans, naquit le quatrième. Celui qui serait aimé..uniquement parce qu'il était le quatrième. Il le niera aujourd'hui, mais lorsqu'il le vit, à peine né, dans les bras de sa mère, il ressentit une forte affection pour lui. Ce pauvre petit bébé qui ne demandait rien à personne. Il y eut ensuite Tayeb et sa jumelle Safa. Ceux que le précepte d'Hal-Hammam ne mentionnait même pas, et pourtant..il songea amèrement qu'ils l'auraient mérité. Surtout Tayeb, qui participait à certains de ses cours et était prometteur.
Mais Zaïm grandissait, devenait de plus en plus conscient du devoir et du destin qui étaient les siens. Il apprenait à se battre, à monter à cheval, et aussi la géopolitique et l'histoire. Fort, décidé, intelligent et doté d'une bonne mémoire, il faisait la joie de ses professeurs et la fierté de son père. Ce qui ne l'empêcha pas néanmoins de continuer à pouvoir agir comme un enfant de son âge, lors des jeux avec ses frères..Qui se firent néanmoins de plus en plus rare, ses études prenant de plus en plus de temps.
Ejaz le Quatrième, se fit kidnapper une première fois. A son retour il avait changé, semblait encore plus fragile qu'auparavant ; et le vieux reste d'affection qu'il avait pour lui le poussa à le protéger en l'empêchant de sortir du palais. Les quatre enfants d'Hakim, Kaïs, Zaïm lui-même, Nour et Haris conclurent alors le pacte de ne jamais révéler ce qu'il s'était passé à Ejaz. Il avait cependant des sentiments assez ambivalents à son sujet. Il aimait son frère, mais pourtant il était source d'irritation constante. Il ne supportait pas de le voir désœuvré, à passer ses journées à ne rien faire alors que ses propres journées étaient réglées comme du papier à musique. Il le vit tenter des activités, sans succès : le maniement des armes lui faisait peur, la géopolitique l'ennuyait comme la religion, il délaissait l'étude au profit de ses récits d'aventure, qu'il soupçonnait de lui monter à la tête..Une conclusion s'imposa à son jeune esprit : il était désespérant. Et ce ne fut pas faute d'en dire ce qu'il pensait à son père, qui approuvait. C'était tout de même ironique...Même ceux qui techniquement n'étaient pas mentionnés par le principe du Dieu Éléphant, à savoir Kaïs, Tayeb et Safa avaient trouvé leur place, contrairement au quatrième..
Et le temps passait. L'enfant se mua en un adolescent solide et déterminé. Il avait pris l'habitude de parcourir la Khi-Saab à cheval, mais accompagné de gardes, afin de connaître à fond le pays. Ce que les livres lui enseignaient sur son pays ne suffisait pas à son goût. Il voulait voir de vraies personnes, connaître son peuple, afin de devenir le meilleur sultan possible. Malgré les quelques réserves de son père, qui n'avait cédé à cette décision qu'à la condition que Zaïm soit accompagné. Il ne devait rien arriver à l'héritier après tout... Et ce fut au cours d'un de ces patrouilles qui l'emmena jusqu'aux abords du désert de Firthan qu'il le rencontra. Lui. Assarhaddon . Un énorme et imposant dragon de feu au caractère tout aussi flamboyant. Il les aurait sans doute dévorés, si Zaïm n'avait pas pris sur lui de lui parler. De le convaincre de les épargner. Mais s'il ne se montrait pas arrogant, le fils du sultan n'était pas non plus humble. Et peut-être fût-ce cette fierté qui plût au vénérable dragon de feu, qui décida de les suivre..Ayant trouvé intéressant le jeune homme de seize ans qu'il était alors.
Néanmoins, ils ne tentèrent pas l'alliance. Peut-être Zaïm était-il trop conscient de sa place pour se mêler au commun des mortels et obéir aux professeurs. Mais sa tête lui dictait, en revanche, qu'après les cinq années de formation, il devrait passer par une année de service militaire..Qui pouvait être risquée. Il ne pouvait pas prendre le risque d'être blessé ou tué, car après tout, qui pourrait prendre sa place ? Personne. D'autant plus que le dragon de feu n'était pas des plus sociables et n'aimait guère ses congénères.
Les années s'écoulèrent ainsi sans incident particulièrement notable. Son lien d'amitié avec Assarhadon se renforçait, Ejaz se montrait toujours aussi désespérant et peu décidé à se construire sa place dans le monde... Mais Hakim III finit par mourir, et Zaïm monta sur le trône. Lors du banquet célébrant son accession au pouvoir, il rencontra celle qui serait sa première épouse, Samira. Conformément à la tradition, elle était Saabi, et il la trouvait belle, avec sa peau hâlée, ses grands yeux dorés au regard doux et ses longs cheveux sombres. Elle semblait douce, mais doté d'un caractère affirmé.
Toutefois, un incident se produisit. Si tous ses frères lui offrirent quelque chose en fonction de leurs talents, Ejaz fut le seul à venir les mains vides. Il ne fut qu'à moitié étonné, ne s'attendant à rien de sa part ; mais en tant que sultan, cela représentait une offense. Il manifesta clairement son mécontentement. Il avait conscience de faire peur à son demi-frère, mais ne l'avait-il pas mérité ? Et c'est alors qu'un dragon apparut. Un beau dragon au plumage orangé, visiblement ami du Quatrième. Zaïm comprit. Voilà donc où il passait son temps, avec ce dragon ! Il lui avait bien caché de peur qu'il ne l'envoie à Lindorm..Il sentit la colère et la jalousie se répandre dans ses veines comme un poison. Mais Ejaz finit par faire quelque chose ; il se mit à danser. Il se montra étonnamment doué, gracieux même ; et Zaïm sentit quelque chose se produire en lui alors qu'il l'admirait. Quelque chose qu'il dissimula sous ses railleries habituelles. N'y accordant que peu d'importance pour l'instant. Il n'aurait pas du.
Arriva ensuite une bonne nouvelle. Tayeb, qui avait rencontré quelque temps plus tôt une dragonne, réussit l'épreuve d'Alliance dès son premier essai. Zaïm en fut très fier ; presque aussi fier que s'il s'était agi de lui. Et en plus de ses félicitations, il lui offrit un superbe sabre ouvragé. Parallèlement néanmoins, Ejaz se faisait oublier, ce qui contribuait à l'irritation du jeune sultan. Au point qu'une nuit, il prit la décision d'aller le voir dans sa chambre. Il savait qu'il ne devait pas. Ce qu'il avait ressenti était contre nature. Mais n'était-il pas le sultan ? Ne pouvait-il pas faire comme il l'entendait ? N'avait-il pas l'autorité pour forcer Ejaz au silence ? Mais il exigea de son demi-frère qu'il danse, et fut mécontent de sa gaucherie. Et le railla comme toujours. Avant de finalement céder à son impulsion et de l'embrasser.
Ce qu'il n'avait pas prévu, néanmoins, c'est qu'Ejaz le repousserait aussi violemment, le faisant chuter lourdement sur le sol, puis s'enfuirait. Et passerait les mois suivants à distance. Mais Zaïm n'était point idiot : il savait qu'il était avec Altaïr, cette maudite créature... Il décida néanmoins de ne pas y prêter trop attention : il avait un peuple à gouverner après tout. Le mariage avec sa première épouse eut lieu l'année de ses vingt-six ans, et il ne fallut guère longtemps pour que le ventre de la jeune femme s'arrondisse, le comblant de joie. Ce fut une période de bonheur intense mais fragile, dont il s'efforça de profiter autant qu'il le pouvait. D'autres alliances matrimoniales furent conclues avec des familles Kevii et Narth, pour resserrer les liens avec ces nations. Tout en préservant l'autonomie de Khi-Saab, qui avait toujours été et qui serait toujours. D'autant plus que la guerre faisait rage au-dehors..
Et puis finalement la guerre s'arrêta, se concluant sur une trêve, allégeant l'atmosphère au palais. Mais s'il y avait bien une chose que Zaïm avait apprise, c'est que ce genre de calme n'annonçait jamais rien de bon. L'avenir lui prouva qu'une fois de plus, il avait raison.
Car l'année de ses vingt-neuf ans, il reçut un jour une lettre indiquant que son imbécile de demi-frère avait été kidnappé. Ce jour-là, il tempêta plus que de coutume, avant de reprendre contact avec son demi-frère Kaïs. Le numéro Zéro, qu'on avait cru mort et qui en réalité avait rejoint les Wyrms.
Ce maudit pirate allait voir.