19 Juin 1549
- Citation :
- Douce Caroline, je me meurs d’envie de vous revoir.
Je sais que votre maitre me déteste et qu’il vous menaça fortement de vous renvoyer à une vie dans la rue si vous me revoyez. Je sais également que nous ne venons d’un même univers : bien des hommes ont du tenter de vous séduire, de vous déclarer leur flamme pour vous obtenir. Je sais que nombre sont ceux qui vous montrent richesse pour vous amener en leur lit et en repartir en vous laissant sous comme seul souvenir de leur passage dans votre vie. Mais je ne cherche chez vous autre chose que votre amour, mes richesses seront votre si seulement vous vouliez bien, ma douce, m’offrir votre main.
Je sais que celle-ci n’est pas votre. Mais croyez bien que je la libérerai de ses chaines. Aucune menace, aucun combat, ne m’éloignera de cette mission si vous voulez bien m’offrir votre cœur pour l’éternité.
Avec toute mon affection, je vous attendrai à cette épicerie où vous achetez tout ce qu’aime votre maitre actuel.
Votre prince, Edward.
21 Juin 1549
- Citation :
- Mon cher, mon tendre, mon vaillant prince.
Vos mots me laissent en émoi. Mais depuis que j’ai croisé votre regard, j’ai compris que je désirais vivre dans vos bras. Vous avoir quitté pour repartir de cette épicerie fut si dur pour moi ! Vous me promettez une alliance en or et de me déclamer tous les soirs des poèmes ; de me protéger de ce maitre mais jamais il ne m’a terrorisée. Ses menaces restent paroles en l’air car jamais il ne fit autre chose que m’apprendre à lire… puis à écrire… pour vous écrire. Mais je n’ai que faire de l’or, je n’ai pas besoin de poésie. Je me libérerai de l’érudit.
Caroline.
23 Juin 1549
- Citation :
- Caroline, ma douce Caroline….
Je suis en voyage pour deux jours à peine pour le travail. Attendez-moi : j’amène de l’argent. Vous allez être libre, plus personne ne vous dira esclave : libre ma Caroline. L’érudit n’est point mauvais homme, il ne vous a jamais frappé ma douce Caroline. Je sais qu’il est un père pour vous, mais laissez moi faire dans les règles de l’art : je veux être celui qui lui demanderait votre main !
Votre prince, Edward.
25 Juin 1549
- Citation :
- Mon vaillant prince ! Mon cher et tendre. Vous me manquez déjà tant.
Je vous attendrai.
Dans quelques jours, nous irons ensembles à l’église ! Mon cher et tendre… ce jour ne me fait qu’hâte de devenir votre femme, puis celle qui portera vos enfants. Mon père, je vous en ai parlé, n’est ce pas, se nommait Johann. J’aimerai appeler notre premier né ainsi… Cette image me permet de patienter en vous attendant !
Caroline
26 Juin 1549
- Citation :
- Extrait de journal, fait divers.
Incendie dans le quartier résidentiel. Deux cadavres ont été retrouvés calcinés. De nombreux biens auraient disparus selon sa fille : il est fort à parier qu’il s’agit là d’un vol qui ait mal tourné. La seule chose sûre est que l’incendie est volontaire.
2 juillet 1549
- Citation :
- Fils…
Tu ES l’héritier de la famille A’Gnÿm. Ressaisi toi : tu ne vas pas te laisser sombrer pour une petite catin d’esclave, une idylle d’adolescent. Tu rencontreras d’autres femmes, tu l’aurais fait avec elle et l’aurait trompée. Tu es un coureur de jupon qui se croit amoureux… Je te déconseille de continuer à me faire honte.
Agën A’Gnÿm
3 aout 1549
- Citation :
- Agën…
Ma fille est enceinte alors qu’elle était promise à son cousin. Elle jure que votre fils est le père. Il n’est besoin d’ébruiter l’affaire mais il est à parier que son cousin se rendrait compte de la supercherie. Soit votre fils décide d’accepter de faire son devoir : s’il a engrossé ma fille, c’est du moins qu’elle lui plait assez pour devenir son épouse. Si amour est nécessaire, il n’aura qu’à prendre maitresse.
S’il n’accepte point de faire son devoir, nous vous demanderons de racheter son acte avec un prix à la hauteur de[…]
Elena Owen
13 aout 1549
- Citation :
- Extrait de journal, fait divers.
Les familles Owen et A’Gnÿm se sont aujourd’hui unies. Le mariage a été si fastueux que de nombreux notables s’y sont retrouvés. Les mariés avaient de grands sourires. Personne ne s’attendait à ce que des noces furent célébrées entre Edward A’Gnÿm et Lily Owen. Il serait fort probable que, sous le couvert d’un mariage, ce soit une alliance commerciale entre ces deux concurrents.
09 octobre 1549
- Citation :
- Mère,
Je me sens seule ces temps ci. Mon époux est rarement à la maison : il travaille très souvent. Vous m’aviez déclamé qu’un mariage arrangé se passait mieux qu’un mariage d’amour puisque, sans sentiment dès le début, on ne subissait de déceptions. Je dois admettre que vous aviez oublié de me parler de la solitude. […] Pourriez-vous venir me voir ?
Lily Owen
11 octobre 1549
- Citation :
- Ma fille,
Trouve-toi une occupation. Cet époux au moins ne te frappe pas et gagne de quoi te faire vivre sans travailler : ne te plains pas.
Elena Owen
15 mars 1550
- Citation :
- Mère,
Vous aviez raison. Edward se montre désormais fort bon époux. Voir mon ventre s’arrondir l’a rendu aussi doux qu’un agneau et si je suis désormais aussi ronde qu’une baleine, il me désire comme s’il ne s’était rassasié depuis des mois. Il me couvre de trésors et se montre fort attendrissant. J’en viendrai même à l’apprécier réellement... même, peut être, à ressentir de l’affection pour lui. Malheureusement, ma vie de femme comblée va être de courte durée : le voici qui part pour un mois. Il ne sera pas même là lors de l’accouchement.
Lily Owen
21 mars 1550
- Citation :
- Mère,
Je ne m’ennuie plus. Une servante travaille désormais auprès de moi et s’occupe très bien de moi. Elle se nomme Caroline : ancienne esclave, elle a réussi à se libérer de ses chaines. Elle me fait la lecture. Je ne peux plus me lever : j’ai hâte que l’accouchement soit derrière moi… Du moins si j’y survis. Je dois admettre que Edward me manque particulièrement.
Lily Owen
03 avril 1550 - La naissance
Caroline n’avait eu la meilleure des vies. Née d’une mère esclave, elle avait fait la même erreur que sa génitrice : désirer une vie meilleure au moyen d’un mariage. D’abord déçue et utilisée par les riches, elle avait finit par s’éprendre d’un riche héritier : Edwar A’Gnÿm qui l’aimait en retour ! Enfin, tout changeait ! Dure fut la réaction de son maitre qui découvrit leurs échanges de lettres et se refusa de la vendre à celui-ci : il détestait la famille d’origine de son bien aimé. Et, dans sa colère, il manqua de tuer Caroline. Celle-ci prit le premier objet à sa disposition et frappa l’érudit. Apeurée, elle frappa encore, encore. Il ne bougeait plus mais elle continuait ses mouvements, malgré le bruit de potiron fracassé et le tapis qui se gorgeait. Quand elle reprit ses esprits, elle comprit qu’elle était en danger et se décida à s’enfuir. Elle mit le feu à la demeure et partit. L’érudit avait alors une prostituée dans sa chambrée : elle brula vive comme dommage collatéral, surement trop saoule pour se rendre compte assez tot du danger qui planait sur sa vie.
Mais Caroline n’était pas partie seule. Elle avait emporté avec elle les biens de valeurs de l’érudit et comptait bien acheter sa liberté et retourner auprès de son bienaimée. Ses lettres : ce fut les seuls souvenirs de sa vie d’esclave qu’elle emporta. Elle quitta d’abord la ville, discrètement, pour que l’affaire soit oubliée. Elle eut des mésaventures entre temps : une femme seule dans la campagne a bien souvent une mauvaise histoire. Mais elle revint en femme libérée et découvrit que son bien aimé était marié. Pire, sa femme attendait un enfant. Son amour se transforma en haine et Caroline décida de se venger de cet homme qui, encore, s’était moqué d’elle.
Lily A’Gnÿm était facile à approcher par ses domestiques. Celle-ci était seule : beaucoup trop seule. Quiconque lui parlait d’aventures s’attirait ses grâces. Caroline s’exécuta, arrivant pour l’aider dans sa fin de grossesse douloureuse. Son époux reviendrait pour l’accouchement prétendait la femme. Pauvre folle… il retrouverait sa famille morte : c’était là le châtiment de Caroline pour lui avoir brisé le cœur. Quand Lily vient à accoucher, il se trouva que la sage femme confia dans les bras de l’ancienne esclave le nouveau né. Le couteau pour couper le cordon à coté d’elle, Caroline s’exécuta rapidement en tuant le nouveau né. Lily était trop occupée à hurler pour se rendre compte de quoi que ce soit. Quand la sage femme, étonnée de ne point entendre de faibles cris, se retourna vers Caroline, elle vit ses mains ensanglantées. Lily s’évanouit alors dans la douleur et Caroline perdit la vie. Trop occupée par l’idée de tuer la sage femme puis la jeune mère, ses sens trop pris par les hurlements des deux femmes conjuguées, elle n’entendit pas la porte s’ouvrir. Mais une lame la transperça rapidement, sans hésitation, et elle tomba sur le cadavre du nouveau né. Son regard s’éteignit en observant son ancien amant et elle se demanda s’il pleurait pour elle ou pour son enfant. Au fond, elle espéra que c’était pour elle mais elle ne connut jamais la réponse. Elle ne comprit jamais non plus pourquoi la sage femme ne s’était pas occupée tout de suite du premier né : c’était là des jumeaux à venir. En se croyant dans la réussite de sa misérable existence, Caroline s’éteignit.
* *
Lily Owen était particulièrement belle au vu de son ascendance. Sa mère, Elena était une matrone étrangement longiligne, très angulaire. Son visage sans la moindre douceur disposait de très fines lèvres et d’un nez qui donnait l’impression qu’elle fut un rapace. Son père, paix à son âme, était quant à lui un petit bonhomme qui à coté sa femme donnait l’impression d’être un nain. Mais leur mélange avait donné Lily : une femme à la tête ronde et aux cheveux clairs. Ses yeux clairs lui provenaient de son arrière grand-mère qui, le prétendait on, venait de Valhöll. Elle aurait alors épousé son cousin qui aurait décidé de se lancer dans le commerce et donc de s’établir dans la nation d’Aera, à Thanos plus exactement. Celle-ci réussit à marier sa fille Elena à un noble : Lily était donc noble de naissance dans le territoire de l’air où ceci apportait tant d’avantages. L’esclavage avait beau être interdit, il restait de nombreuses personnes en disposant. Pour sa part, Lily préférait avoir des servants.
Agée de 19 ans, elle avait fini saoule en la compagnie de Edward A’Gnÿm, un noble tout comme elle aussi abreuvé en cette soirée là qu’elle. Le résultat fut que quelques semaines plus tard, elle se découvrit enceinte et fut mariée avec celui-ci. D’abord distant, comme s’il cuvait encore quelconque maladie de cœur, il finit par s’ouvrir à elle. Malheureusement, il s’éloignait souvent pour commercer et elle s’ennuyait. Caroline entra dans son existence comme une plume dans un livre : elle s’ouvra à elle, lui déclamait ses pensées et ses rêves. Mais sa servante et amie disparut le jour de son accouchement. Edward changea alors à cet instant, il perdit tout d’un coup son enfance et devient un adulte. Il se comporta fort bien avec elle et son fils. Ils eurent une étrange dispute auprès des prénoms quand Lily les désigna pour les papiers. Car si Lily avait depuis longtemps choisi le prénom de Ethan -celui de son père ; Axel, quant à lui, était le prénom du grand père de Edward- elle avait promis à son époux de le nommer Johann ce qui, finalement, déplu au père qui se refusait de l’appeler ainsi pendant ses deux premières années. L’enfant grandit et Lily ne fut plus seule grâce à lui. Ses grands parents, Agën A’Gnÿm et Elena Owen lui offraient toute la dureté dont un enfant nécessite pour bien grandir. Elle se montrait douce, et son père juste. Son fils serait heureux, elle n’en doutait pas.
* *
08 mai 1555 – 5 ans - Enterrer le cadavre !
Les A’Gnÿm étaient une famille noble tirant ses richesse de ses commerces. Deux familles les avoisinnaient et, ayant eu des enfants la même année, ils prirent le même précepteur. Il était alors logique que les enfants s’entendent bien. Ainsi, Johann eu deux grands amis : Perla et Tilde. Perla était une petite demoiselle aux yeux sombres et aux cheveux auburn. Tilde était plutôt grand pour son âge et blond, typiquement aérien.
A leurs cinq ans, leur amitié devint des plus réelles, se transformant en lien partagé entre criminels. Indéfectible, puissante, ils se savaient désormais incapable de se trahir entre eux. Et ce lien immense trouva naissance au travers de la mort d’un être. Mort où tous ils étaient égaux dans la culpabilité.
La journée démarra d’une façon tout à fait classique, dans la demeure de Tilde. Libérés de leur travail, ils décidèrent de profiter de cette récréation pour jouer. Perla décida alors de leur lancer un défi de qui réussirait à jeter sa pierre le plus loin possible. S’exerçant, ils finirent –au cours d’un jet où il était fort peu probable de deviner quelle pierre était à qui- par toucher le bien aimé de la mère de Tilde. Le bruit de brisure fut secondé par celui de l’être sombrant au sol. C’était fini : il allait mourir… Et les enfants ne voulaient point qu’on sache qu’il s’agissait d’eux ! Très rapide dans leurs décisions, ils l’enterrèrent dans le jardin ! Certes, ils furent grondés d’être ainsi salis –car plein de terre- mais leur crime resterait impuni et les enfants devinrent plus unis que jamais !
Il se trouva cependant que ce bien aimé était unique et que la mère de Tilde se décida fortement à trouver qui l’avait bien volé. C’était un bonzaï provenant de la forêt de Druham. Elle se décida donc à faire outrage pour qu’on retrouve le criminel sans se douter que le petit arbre était enterré dans son jardin où elle allait que fort peu : le soleil… c’était mauvais pour son teint ! On ne pensa à la culpabilité des enfants qui ne se dénoncèrent point, pas même quand un homme des rues –un gueux de la ville avait même précisé la mère de Tilde en l’apercevant- fut arrêté et déclaré coupable. Pour calmer la fureur des nobles croyant leurs biens en dangers, et pour faire un exemple, il fut exécuté. Johann ne vint pas observer la lapidation –étrange coïncidence, le destin était il donc capable d’humour ?- de l’homme : trop jeune avait déclaré Lily.
Dans sa chambre, en entendant les exclamations heureuses des nobles qui s’élevaient dans les rues, l’enfant pensa alors qu’il était très heureux qu’on ait point découvert qu’il fut coupable : après tout, désormais, il était un monstre, un meurtrier ! L’innocent mort ? Ah, ça ce n’était point de sa faute, lui n’avait tué que le bonzaï. Et puis sa grand-mère déclarait régulièrement que personne n’était innocent alors au fond, ce n’était qu’une punition pour un autre de ses crimes ! Rien de bien grave ! Enfin si… pauvre bonzaï !
* *
12 décembre 1558 – 8 ans - Sade
Johann était fort heureux jusqu’à cette date. Tout avait changé quand il découvrit qu’il allait avoir une petite sœur : une adorable petite sœur. Bien sûr, à cet instant, l’enfant ne savait point qu’il allait l’apprécier, tout ce qu’il était capable de penser était synonyme de l’apocalypse de sa jeune existence quand il apprit de la bouche de sa mère qu’il allait avoir un benjamin. Enervé, il décida de s’enfuir de sa demeure. Oui : il escomptait bien fuguer ! Il n’y aurait de meilleure façon d’agir. Ils renverraient cet enfant d’où il était venu ! Même si… il fallait l’admettre… Il ne savait point exactement d’où cela était exactement. S’étonnant de ne point connaitre l’origine des bébés, le jeune enfant se décida à aller demander à la vendeuse de plantes. Agée, elle avait eu trois enfants : elle devait bien savoir qui vendait ces choses là pour les renvoyer directement à l’expéditeur. Amusée, elle répondit que les garçons naissaient dans les choux les filles dans les fleurs. Persuadé qu’il aurait un petit frère, Johann appela à l’aide ses deux amis et aux autres enfants nobles en qui on pouvait faire confiance des environs : ils détruiraient tous les champs de choux des environs ! Bien heureux de faire des bêtises, d’ennuyer les paysans et d’aider Johann, ceux-ci s’exécutèrent et en à peine trois jours, plus aucun chou n’allait pousser dans les environs. Ceci fit fort du bruit sans que jamais on ne découvre les coupables ni même les raisons de leurs actes.
Huit mois plus tard, quand on lui présenta une petite sœur, Johann ne trouva qu’à s’exclamer :
Mince… On aurait du s’occuper des fleurs ! Ceux-ci furent les premiers mots que Johann déclara à la naissance de sa petite sœur : Sade. Les yeux aussi clairs que sa mère –et lui-même puisqu’il en avait hérité- il finit cependant par avoir un haut le cœur étrange en la prenant dans ses bras. Rejetant l’idée même de l’aimer, il finit par accepter son affection envers Sade deux ans et trois mois plus tard.
* *
12 décembre 1561 – 11 ans – La peluche
C’était l’anniversaire de Sade et Johann s’était évertué à trouver présent à sa sœur. Une peluche de dragons. Les créatures attiraient bien des envies quant aux légendes de leur puissance. Pour sa part, l’enfant y voyait surtout de bien grosses bébêtes qu’il n’avait absolument point envie de rencontrer. Une grosse bêbête, pleine d’écaille ou de plumes, des dents capables de déchiqueter un bœuf en quelques secondes ! Non, ça il n’en voulait pas ! Et bien heureusement : ils étaient rares et loin des hommes. Mais Sade, elle, adorait les dragons. Elle avait rapidement appris à dire ce mot et désormais ne jurait que par cela. Se baladant le long des ruelles, ses gardes du corps le surveillant de non loin –car un noble était rarement seul-, un servant pour lui tenir une ombrelle et le faire conserver son teint d’albâtre, il se baladait, sac en main. Le monde était bien paisible, pourquoi aurait on besoin de dragonniers ? Johann n’avait que 11 ans mais il se savait sûr d’une chose : jamais il ne serait militaire ! Bien trop épuisant. Non, il suivrait les traces de son père et serait riche et tranquille. Oui, cette vie lui disait bien. Et ce serait la sienne.
Rentrant chez lui, il attendit que sa sœur souffle ses bougies pour lui donner la peluche d’un dragon noir. Elle riait heureuse et le grand frère caressa la tête de sa petite sœur qui partageait avec tout être présent son immense et naïf bonheur.
* *
14 juin 1563 – 13 ans – Le bateau
Johann se trouvait sur un bateau en direction d’une ile proche du territoire de Nordheim. Les seamens avaient prié Waterune et Edward et Johann avaient prié Cyanée pour que leur voyage se fasse sans problème. Johann restait sur le ponton, regardant l’eau paisible. Profonde, on n’y voyait point ce qui pouvait y roder. Furent des requins sous les baies ou un banc de méduses, les créatures restaient invisible. Un bateau Nordheim s’approcha et se montra agressif : la guerre était déclarée avec les wyrms qui venaient d’agresser une personne de haut statut. Le jeune homme s’inquiéta, rassuré par les propos de son père : ils fouilleraient le navire puis repartiraient si celui-ci ne montrait signe d’ennemis. Alors qu’il remarquait le navire qui repartait, Johann le remarqua. L’eau s’élevait doucement, des remous la prenaient. L’océan semblait prendre vie tandis que ça s’approchait du navire des gens du nord. Ceux-ci pourtant venaient d’y repartir : Johann tentait alors de se persuadé que son stress lui provoquait des illusions. Les seamens, plus habitués, firent partir le navire en hissant les voiles rapidement. Ils voulaient s’éloigner. Courant dans Sa direction, Johann manqua de tomber à la mer en butant du pied sur une corde. Rattrapé par son père, il n’eut le temps de le remercier car démarrait l’attaque. Un dragon abyssal immense détruisait le navire. Ils s’éloignaient rapidement mais même alors, l’adolescent se rendait compte de sa taille forte élevée. Pour la première fois depuis sa naissance –mais Johann ne savait point qu’il était rougi par son jumeau- il vit la mort. Et, étonnamment, il ne la trouva point cruelle ou horrible mais presque… naturelle et… proche… voire même agréable à observer ? Il sentit ce gout dans sa gorge, comme si les crocs déchiquetant du dragon étaient les siens et s’écœura de sa non-réaction envers la violence qui se déroulait devant lui. Et, avec la perte de son innocence, la guerre démarrait sans même qu’il sache si ce dragon fut l’allié d’un wyrm, ou juste en colère.
* *
30 octobre 1564 – 14 ans – la vilaine fille
Johann était hors de lui. Voilà qu’une bien mauvaise nouvelle lui était parvenue. Sa petite sœur, Sade, âgée alors de six ans, recevait un mauvais traitement d’une bien vilaine fille. Celle-ci était la fille d’une famille des environs : Rosa. Johann ne la connaissait pas : elle avait douze ans. Mais qu’important, elle pouvait en avoir six également que cela était inacceptable. Perla était venue le voir personnellement pour l’informer que Rosa avait même mimé le geste de lever la main sur Sade. Qu’importa qu’en réalité elle ne donna point le coup final, elle devait être punie. Johann se réunit alors avec Perla et Tilde. Presque inséparables depuis leurs cinq ans, ils restaient toujours ensembles pour leurs mauvais coups. Et Johann leur demanda vengeance pour Sade. Il se trouva que dans leurs jeux de défis, c’était au jeune homme de le lancer. Il voulait que plus jamais Sade risque quoi que ce soit de Rosa : ce serait chose faite.
Quand tous les enfants se réunirent, Perla déchira la robe de Rosa. Rosa devenait une femme alors, ce n’était point le moment où elle appréciait son corps qu’elle trouvait trop gros, ou trop maigre, ou disposant de boutons. L’arrivée des premiers poils… La situation la fit pleurer et les enfants, toujours cruels entre eux, riaient sans qu’aucun viennent l’aider. Tilde prit un bâton et imita la façon des précepteurs pour désigner les mauvais points. Il continua, encore et encore, à critiquer la jeune femme. Entourée par des rires, des yeux mauvais et des moqueries, elle s’enfuit même sans vêtement. Johann lui était resté en retrait : c’était lui qui avait lancé le défi après tout. Un sourire carnassier sur les lèvres, il trouvait que ses amis se débrouillaient bien. Si bien que celle-ci ne revint plus jamais : elle se suicida. Et Johann fut heureux : jamais plus, en effet, elle n’embêterait Sade.
* *
Elena Owen n’était point une femme d’action… sans être une femme d’inaction. Et Agën A’Gnÿm était exactement comme elle. Tous deux avaient perdus leur moitié dans un accident, une maladie, une étrangeté. Tous deux dirigeaient leur entreprise d’une main de maitre. Oui, leurs employés n’étaient point esclaves… mais ils appartenaient à l’entreprise entièrement. Leur descendance était sûre d’y trouver travail également : cela les rendait plus fidèles, ils se savaient, eux et leur descendance, sans risque de mourir de faim. Et Elena et Agën étaient incapables de culpabilité. On les disait animés d’une âme de dragon. Ils étaient ennemis en affaire, mais non point dans la réalité, et marier leurs enfants ne leur posa le moindre souci : ceci permettait de transformer leurs affaires florissantes en un empire commercial. Ils étaient tous deux non fiers de leur descendance : Agën trouvait son fils trop fleur de peau, et Elena trouvait sa fille trop gentille et douce. Ils étaient fiers cependant de leur petit fils. Elena savait qu’il avait causé la mort de Rosa et, comme il était impossible de le soupçonner, elle trouvait qu’il avait l’âme de diriger une entreprise. Agën, lui, l’avait vu rire aux éclats en le voyant écraser des fourmis qui s’acharnaient à éviscérer un rat mort. Il s’était dit qu’il serait fort face à la pression et ne serait inquiet par l’idée de la mort et cela lui plaisait.
Alors, autant Lily tentait d’éduquer son fils dans l’amour d’autrui ; autant Edward tentait de lui inculquer le respect… Autant Agën et Elena s’amusaient à pourrir cette éducation afin d’en faire un homme capable à leurs yeux. Sade, elle, mériterait à leurs yeux de devenir femme d’un riche noble… peut être même d’épouser un haut dirigeant d’un autre territoire afin d’aider l’entreprise familiale à s’implanter. Oui, Sade était intelligente… mais encore très pure : ils la laisseraient un peu grandir avant de s’occuper d’elle. Et, sans même avoir à parler, ils élevèrent dans une même optique Johann.
* *
14 juin 1565 – 15 ans – le cauchemar
Le monde était sombre. Mais l’obscurité ne l’effrayait pas. Il s’y sentait chez lui, sentant une odeur de souffre autour de lui. Il voulu s’avancer vers la lumière mais celle-ci le dérangeait. Fermant les yeux, il sentait la chaleur provenir de ses entrailles. Un gout de sang, désagréable, dans sa gorge. Une humaine s’approchait de lui alors et il s’énervait. Elle osait donc ? Elle prétendait vouloir se lier à lui et il riait intérieurement. Et ce rire s’exprimait comme le grincement d’une craie sur un tableau. Elle était terrifiée, elle avait raison car elle ne sortirait pas en vie. Il déploya une de ses larges pates griffues qui déchira le corps de l’être frêle. Il ne refuserait pas de la chair fraiche tant que celle-ci s’apportait à lui d’elle-même. Le gout du sang dans la gorge… Johann s’éveilla en sursaut. N’arrivant pas à respirer, il se leva rapidement et ouvrir la fenêtre. S’y adossant, il respirait l’air pur comme si celui-ci n’arrivait à emplir ses poumons malgré ses tentatives. Alors, il le vit en face de lui, comme si le temps allait s’arrêter. Un immense dragon qui l’observait, sans pour autant sembler être là. Ses ailes avaient l’allure de voiles de navire déchirée, lui donnant un air étrangement spectral. Et, comme si Johann ne s’était jamais éveillé, il disparu. Cette nuit là, le jeune homme resta dans son lit, apeuré. Le regard de cet être semblait cruel mais, c’était comme s’il attendait de lui quelque chose… Une cruauté identique ?
* *
Edward A’Gnÿm avait nombre de valeurs indigne d’un noble. Parmi celle-ci, il y avait son désintérêt de l’esclavage, son bonheur de le savoir abolis et sa colère de le savoir quand même être en cours à Thanos ; son désir d’être fidèle à ses convictions et à sa famille, à ses amis, à la morale. Il refusait de marcher sur les gens pour réussir et en cela, il se disputa souvent jeune avec son père, Agën. Celui-ci refusa d’ailleurs de lui donner la direction de l’entreprise familiale. Il le garda pour faire les rencontres avec les fournisseurs et les acheteurs, mais le vieil homme conservait les rênes. Mais là encore, Edward se refusait de tenter de le détrôner… et après tout : il avait eu Edward à peine âgé de 18 ans, alors il restait jeune et en bonne santé mentale.
Edward avait réellement été amoureux de Caroline. La croire morte l’avait amené dans l’alcool et il se savait s’être amusé avec des femmes pour l’oublier. Edward s’estimait même chanceux de n’en avoir mis qu’une seule enceinte ! Une fois marié, il se refusait au départ d’agir en mari… Puis, la peine disparaissait et il commençait à nouveau à voir le monde s’éclaircir. Il allait être père après tout : il avait des responsabilités envers l’enfant… et envers la belle Lily. Lily qui faisait des efforts pour l’apprécier : après tout, elle ne l’avait pas choisi par amour non plus… Lily qui avait accepté d’appeler leur enfant Johann ou Johanne sans poser de questions. Alors il s’était mis à l’aimer. Quand il la savait devoir accouché loin de lui et inquiète, il était rentré plus tôt pour l’aider… et avait revu son ancienne bien-aimée : Caroline. Son cœur avait manqué d’arrêter de battre et alors que son esprit resté bloqué, son corps avait agi tout seul. Il s’était saisi de son arme –il fallait toujours en porter une au cas où lors de ses voyages- et la transperça. Elle avait tué son premier enfant mais il ne pouvait s’empêcher de pleurer. Il pria pour l’âme de Caroline pour qui il se trouvait coupable et, comme pour la sauver de son crime, Cyanée leur offrit un nouvel enfant.
Refusant de sortir, il laissa Lily s’occuper des affaires administratives. Dans sa promesse, elle le nomma Johann… son fils… et Edward se mit à exécrer ce prénom. Il détestait quand sa femme lui demandait où se trouvait sa servante. Mais il ne lui raconta la vérité : il voulait la protéger… être un bon époux. Edward s’enferma dans le travail… jusqu’à ce que deux ans plus tard, il revoit l’enfant n’y trouve trace de Caroline en lui. Il lui ressemblait, il avait même l’amour d’Agën… Cet enfant ne méritait de subir la culpabilité de son père. Alors il se mit à passer du temps avec lui, et cela l’amena à se pardonner peu à peu. Il voyait dans ses grands yeux bleus l’espoir du bonheur et l’intelligence de l’enfant était sa fierté. Puis, Sade naquit et l’homme obtint a famille qu’il souhaita et commença à réellement aimer sa vie.
Edward protégea sa famille de la guerre : Lily, Johann et Sade ne la perçurent point. Il regretta d’avoir provoqué une vision horrible chez son fils quand le bateau des hommes du nord fut coulé par le dragon et il pensait que jamais son fils ne voudrait plus en approcher. Que ne fut pas son étonnement quand des hommes vinrent le voir, en 1568, pour lui déclarer qu’un écailleux avait désigné son fils comme allié : celui-ci n’avait jamais semblé vouloir devenir dragonnier. Mais la fierté le prenait quand il hurla le nom de son fils pour que celui-ci le rejoigne !
* *
1568 – 18 ans – l’épreuve d’alliance
Sade avait perdu l’une de ses peluches, avait elle déclaré. Et Johann, en bon grand frère, tentait de la retrouver. Alors qu’il se saisissait de la première venue, il la trouva fort étrange au toucher. D’ailleurs, elle était particulièrement lourde, froide et écailleuse. Se saisissant d’un dragonnet, il entendit dans son esprit un message télépathique rapide *Niark niark niark* mais comme ce fut son premier, il eut surtout l’impression d’avoir un vide dans son esprit, comme une douleur soudaine d’un mal de tête. Tenant la peluche dans ses mains, il la bougea dans tous les sens pour se rendre compte que non mué du moindre mouvement, ce dragon était très réaliste. Johann arrêta là son inspection quand il entendit son père l’appeler. Descendant les escaliers jusqu’au bureau de celui-ci, il remarqua que Sade le regardait avec de grands yeux heureux tandis qu’il lui tendait la peluche. Alors, elle répondait :
Non… Je te le donne ! -Ta peluche ? -Oui ! C’est avec toi qu’il veut être ! Il me l’a dit très clairement ! Et devant son air candide, Johann ne répliqua pas et, peluche dans la main, arriva auprès de son père qui était accompagné de plusieurs personnes. Sans trop comprendre ce qu’il se passait, on lui expliqua que le dragon
*SURPRIIIISE* âgé de un an, avait décidé qu’ils seraient alliés
*T’es content ?* et que donc, il devait passer un test… Pour devenir dragonnier. *Surtout être à moi !* Quelque chose dont il n’avait a-bso-lu-ment aucune envie !
*Niark niark niark !* Mais son père enjoué –la fierté le prenait sans aucun doute, jamais Johann ne l’avait vu aussi souriant- se proposa directement de le faire passer l’épreuve. La peluche, qui en fait, était un dragon nommé Syllenthyl. Un dragon des ténèbres qui aimait fort peu le soleil : un point qu’ils avaient au moins en commun. Enjoué, celui-ci lui expliqua que leur destin était d’être ensembles si bien qu’il allait devoir faire attention : si le dragon mourrait, l’humain mourrait avec lui. Pourquoi celui-ci l’avait choisi ? Johann n’en avait point la moindre idée.
Ils furent alors envoyés seuls au milieu d’une ville inconnue et subirent sept jours qui, aux yeux de Johann, furent une corvée absolue. Le dragon se mettait tout le temps en danger : on cherchait sans cesse à les agresser et le petit noir refusait de se tenter trop longtemps au soleil si bien que Johann parfois devait le cacher dans ses vêtements qui, à force d’être agrandis, le faisait d’avantage passer pour un mendiant. Pour clore l’horreur, Syllenthyl défia un dragon spectral… qui manqua de les tuer très clairement. Heureusement, Johann mettait toute son énergie à faire survivre l’écailleux : il ne voulait point mourir.
Si bien qu’une fois arrivé à l’école, quand on lui expliqua qu’en réalité, cette petite donnée de vie connectée était un mensonge
*Roooh, mais sinon tu aurais fait exprès d’échouer…. Et ça j’en avais pas envie ! Un peu de motivation : voilà ce qu’il te fallait !* Johann fut amené à l’école de Lindorm. Sa famille fort bien habillée, le dragon sur l’épaule, Johann eut le droit à une embrassade de sa mère et de sa sœur, et à une tape virile sur l’épaule de la part de son père qui lui déclamait le nombre de cours auxquels il l’avait inscrits.
*Niark !!* et Johann, en leur faisant au revoir de la main, faux sourires aux lèvres, n’arrivaient à penser qu’à deux choses : son malheur de se retrouver là et comment il allait quitter ce maudit lieu !
* *
1568 – 1 an et 1 mois – un allié
Je dois admettre que ma vie n’est pas très longue comparée de nombre de mes comparses. Mais rapidement, je me disais qu’il me manquait comme un ami. Je voyageais rapidement et discrètement, provoquant pagaille sur mon chemin… Et je trouvais cela fort amusant : après tout, beaucoup de mes comparses se décidaient à vivre loin des humains… Pour ma part, je trouvais que leur provoquer des ennuis, déchiqueter leurs animaux de compagnie était très amusant. Non je ne pouvais pas les tuer : après tout, j’étais encore trop petit. Mais je grandirai peu à peu…
Puis, je le vis. Il était avec deux de ses amis et ils jouaient… bien évidement, j’avais fort envie de jouer avec eux : je suis jeune, c’est normal que j’aime jouer !!! Mais je ne pouvais participer. Mon humain -oui, nous n’étions pas encore alliés mais j’avais déjà décidé qu’il s’agissait là de MON humain- défiait ses camarades de briser le cœur d’une demoiselle. Cela semblait bien amusant, mais je me demandais alors pourquoi ne pas plutôt le sortir de son torse ? Le manger cru, encore chaud : oui… ce serait bien mieux. La suite fut aisée : je décidais qu’il devenait mon allié et provoquait une rencontre discrète avec lui. Sa sœur était fort enjouée à l’idée de m’aider : elle semblait bien plus positive vis-à-vis des dragons que mon humain… Et c’était tant mieux, comme ça, il ne serait qu’à moi ! A MOI !
Enfin… nous finîmes par devoir faire l’épreuve. Celle-ci se passa bien : il croyait que nos vies étaient liées après tout… Donc il s’occupait très bien de moi. Habitué aux villes, il trouva rapidement un lieu à squatter et je m’occupais de nous provoquer suffisamment d’ennuis pour que nous saignions. A un moment, il finit même par agir contre un homme qui tentait de nous agresser : il le tua sans ménagement en utilisant le premier outil à disposition… et ce qui me plu le plus était qu’il n’avait pas même l’air de trouver ce moment important dans son existence !
Lové dans ses bras, fier d’avoir trouvé l’humain parfait, nous arrivions à l’école. Bon… il semblait fort mécontent d’y être mais qu’importait : seuls mes sentiments étaient importants. Et je sentais que j’allais bien m’amuser dans cette école ! .